30 Novembre 2015
Amendements rejetés.
L'article 21 bis : qu'est-ce que c'est ?
L'article 21 bis est un article qui vient s'intégrer dans la loi du 11 février 2005 - pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
En quelques lignes, cet article remet en cause tous les grands principes de la loi, la vide de son sens et revient sur les droits acquis des personnes en situation de handicap, notamment celui, comme tout citoyen, de choisir sa vie.
Comment cet article détricote la loi ?
Pour mémoire, la loi du 11 février 2005 s'appuyent sur 4 grands principes qui allaient en faveur de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées telle que préconisée par toutes les organisations internationales (ONU, Conseil de l'Europe ..) :
réaffirmer le droit à la solidarité nationale et d'égalité de traitement (non-discrimination) par l'égal accès au droit commun ;
garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d’existence favorisant une vie autonome et digne ;
permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale grâce à l’organisation de la cité autour du principe d’accessibilité généralisée, qu’il s’agisse de l’Ecole, de l’emploi, des transports, du cadre bâti ou encore de la culture et des loisirs ;
placer la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent en remplaçant un raisonnement administratif par une logique de service.
Les quatres pilliers de la loi pour mettre en oeuvre ces grands principes :
Une nouvelle définition du handicap : (conforme à la définition de l'OMS)
Accessibilité universelle.
Création des MDPH (Maison Départementales des Personnes Handicapées), guichet unique pour tout ce qui concerne le handicap, étaient créees. Elles ont pour missions, notamment :
la formulation d'un plan personnalisé de compensation incluant toutes les mesures permettant de réaliser le projet de vie,
l'ouverture des droits à compensation du handicap (prestations ou orientation vers des services ou des établissements médico-sociaux)
l’aide nécessaire à la mise en œuvre des décisions prises.
Les décicions prises par les MDPH s'imposent aux établissements chargées d'acceuillir les personnes handicapées.
L'état est responsable de mettre en oeuvre tous les moyens humains et financiers nécessaires afin de réaliser le plan de compensation de la personne handicapés : c'est ce qu'on appelle le droit opposable. Du moment que la MDPH a ouvert un droit, l'état doit le financer pour qu'il s'applique.
Cet article 21 bis permettrait aux Maisons Départementales des Personnes Handicapée (MDPH) de proposer, en plus du Plan Personnalisé de Compensation (PPC), un deuxième plan, le PAG (Plan d'Accompagnement Global) si la MDPH considérait que le PPC risquerait de ne pas pouvoir être réalisé. Ce PAG proposerait, en parralèle de l'orientation demandée, une deuxième orientation « consentie » qui ne serait plus guidée par rapport au choix et aux besoins mais en fonction des ressources que l'on pense pouvoir mobiliser, des places disponibles.
Il s'agirait de mettre en place d’un dispositif permanent d’orientation, lequel repose sur la création, sur décision de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), d’un groupe d'orientation permanente rassemblant notamment une équipe pluri-professionnelle chargée de mettre en œuvre la réponse qui leur semble la plus adaptée à la situation de la personne handicapée.
En d'autres termes, nous voilà avec un texte de loi qui donne des droits aux personnes en situation de handicap et des obligations à l'état tout en précisant que si la MDPH pense que l'état ne peut (veut) pas s'acquitter de ses obligations, il ny a qu'à orienter là où l'état veut bien, accorder les mesures de compensation non pas en fonction des besoins mais en fonction de ce que l'état souhaite, des ressources que l'on pense pouvoir mobiliser.
Qui peut être concerné par ce nouveau dispositif ?
N'importe quel enfant ou adulte en situation de handicap qui ferait une demande à la MDPH pour peu que cette dernière estime que l'élabration d'un PAG se justifie selon l'article 21bis :
En cas d’indisponibilité ou d’inadaptation des réponses connues ;
En cas de complexité de la réponse à apporter, ou de risque ou de constat de rupture du parcours de la personne
dans la perspective d’améliorer la qualité de l’accompagnement selon les priorités définies par délibération de la commission exécutive (groupement d'intérêt public qui gère la MDPH).
Les conséquences et les dérives de ce dispositif :
des réponses "imposées" sinon pas de réponses :
- Vous faites une demande d'AVS pour accompagner votre enfant en classe ordinaire : la MDPH pourra vous répondre : Votre enfant n'a pas besoin d'une AVS mais d'une orientation en ULIS ou en IME.
- Vous faites une demande de SESSAD (service de soin à domicile), il n'y a plus de place, la MDPH peut orienter votre enfant dans un CMP (centre médico-pschologique) à la place ... ou en hôpital de jour ... La prise en charge rééducative ne se ferait plus par rapport à des besoins de rééducation (kiné, pschomotricité, ergothérapie ...) mais par rapport à des places disponibles ....
- vous faites une demande d'orientation en semi internat dans un IME à proximité de chez vous et la MDPH pourra vous répondre que l'IME ne veux pas de votre enfant parce qu'il est "trop lourdement handicapé" (votre enfant scolarisé à temps plein 4 ans en maternelle) et un GAP pourra vous l'orienter à 70 km de chez vous en internat.
- idem pour les adultes .... et que penser d'une orientation pour un adulte révisable toutes les années ..... pour garantir la continuïté de son parcours ?
l'impossibilité de remettre en cause la responsabilité de l'état de s'acquitter de son obligation de donner les moyens financiers et humains nécessaires à la compensation des conséquences du handicap puisqu'il apporte des réponses, même si ses réponses ne conviennent pas.
Augmenter la charge de travail des MDPH et plus particulièrement augmenter les délais de traitement des dossiers avec les conséquences délètères que l'on connait déjà : rupture de parcours dans l'attente d'une décision, notamment pour les élèves handicapées soumis au rythme de la scolarité.
Des orientations imposées qui ne sont pas des solutions adaptées risquent fort de conduire à de la maltraitance. D'autant plus que la France n'exerce aucun contrôle sur la qualité de la prise en charge institutionnelle.
Complexification des démarches et manque de lisibilité pour les personnes handicapées. Un système déjà trop complexe où tout les acteurs de la prise en charge du handicap peuvent émettre leur avis sur le projet de vie mais ou personne n'est finalement responsable, ou personne n'aurait de devoir. On glisse gentiment vers une loi qui donnerait des obligations aux personnes handicapées et des droits aux services publics.
De l'argent public dépensé inutilement dans un empilage de dispositifs, de plans au lieu de servir à compenser les conséquences du handicap.
Et voilà que le pays des droits de l'Homme (pour peu qu'il ne soit pas handicapé tout de même!) inscrit au cœur de sa loi le droit à la discrimination. Comment arriver à l'égalité des droits si l'on pose déjà comme postulat de départ qu'il faudrait des lois spéciales pour les personnes handicapées "sans solutions", c'est-à-dire celles pour lesquels l'état de s'est pas acquitté de ses obligations ? Ce sont bien les catégorisations à outrances, les stéréotypes qui voudraient faire croire que tel type de handicap aurait besoin de tel type d'orientation qui conduisent à la discrimination, la ségrégation, l'exclusion. L'égalité des droits ne peut s'obtenir que par l'équité des traitements, l'adaptation des réponses en fonction des besoins.
Nous restons bien sûr mobilisés pour une surveillance dans la mise en oeuvre de ce texte.
Nous ne pouvons que conseiller à chacun de refuser, à chaque demande, ce dispositif afin d'éviter toutes dérives et pouvoir exercer vos droits.