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Mobilisation contre l'article 21 bis

Défense des droits et des libertés fondamentales des personnes en situation de handicap

Droit de réponse à Mme Neuville

Droit de réponse à Mme Neuville

Madame la Secrétaire d’État,

Vous avez souhaité nous rassurer dans l'article de handicap.fr du 22/10/2015 au sujet de l'article 21 bis.
Aussi, c'est par ce même support que nous souhaitions vous faire connaître la position des nombreuses associations de défense des droits des personnes en situation de handicap (tous handicaps confondus) …. qui n'ont jamais étés consultées sur la question. Seuls les acteurs de la prise en charge du handicap ont pu vous faire part de leurs besoins, de leurs désidératas.

Nous sommes surpris qu'un amendement qui se propose de modifier la loi handicap émane d'un projet de loi santé : le handicap n'est pas une maladie et il ne se guérit pas ! Il se décrit par une (des) limitation(s) d'activité(s) ou de participation à la vie sociale, dans un environnement donné, en raison d'altération(s) de fonction(s). Si les origines du handicap sont multiples (médicales, environnementales, sociétales), les réponses se doivent d'être plurimodales (soins, rééducations mais aussi accompagnement, accessibilité et compensation).

Rappel sur la loi du 11 février 2005.

La loi pour l'égalité des droits et des chances, afin de promouvoir la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap les avaient mises « au cœur du dispositif », respectant leurs libertés fondamentales de libre choix de leur projet de vie inscrite dans la convention des droits des personnes handicapées.

Cette loi, portant création des maisons départementales du handicap leur confiait plusieurs missions, notamment, l'évaluation des besoins en fonction du projet de vie de la personne, l'ouverture des droits à compensation du handicap (prestations ou orientation vers des services ou des établissements médico-sociaux) et l’aide nécessaire à la mise en œuvre des décisions prises.

Dix ans après sa promulgation, le constat est affligeant : Si chacun s'accorde à reconnaître qu'il existe un problème de mise en adéquation entre l'offre et la demande, force est de constater qu'il n'existe aucun état des lieux fiable, ni sur l'offre, ni sur la demande ! Si chacun s'accorde à dire que le nombre de personnes « sans solutions » ne cesse d'augmenter, c'est indéniablement que leur droit à compensation leur à été dénié. Pour autant, une réponse adaptée ne serait se résumer à une place en institution, qui n'est pas une réponse en soi mais un des moyens de répondre …. On peut aussi apporter d'autres réponses, non institutionnelles.

Alors vos propos dans la presse, loin de nous rassurer, nous font craindre le pire, bien pire encore que les dérives que l'on connaît déjà.

Vous relevez à très juste titre les divergences d'opinions quant à l'article 21bis entre quelques associations gestionnaires d'établissements médico-sociaux désireuses d'augmenter leur capacité d'accueil et des associations représentatives de personnes handicapées qui œuvrent à la défense des droits de celles-ci.

En réponse à la pression des premières qui rappellent aujourd’hui la situation des personnes exilés en Belgique (depuis plusieurs décennies déjà, dans l'indifférence la plus totale), vous demandant ainsi d'utiliser les fonds versés à la Belgique pour les réutiliser en France (si possible dans leurs structures), vous vous indignez et rappelez votre annonce du 8 octobre 2015.

Pour en finir avec l'exil forcé des Français handicapés vers la Belgique, un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros serait mis en place pour permettre la création de places sur mesure à proximité de leur domicile, soit environ 300 places en institution. Difficile d'en finir avec l'exil forcé en Belgique avec si peu de moyens ! Mais le plus alarmant, c'est quand Mme la Ministre de la santé, trois jours plus tard reviens sur vos propos en indiquant que l’État continuerait à financer les nouvelles places en Belgique pour les familles qui souhaiteraient une orientation de leur proche sur cette terre. D'autant plus que Mme Touraine vient préciser au sujet des 15 millions d'euros « qu'il s'agit de relancer une dynamique de financement de places d'accueil (et pas de solutions adaptées) et de financer la mise en œuvre du fameux nouveau dispositif, le« plan d'accompagnement global » créer par l'article 21 bis.


Voilà donc le peu d'argent investit détourné de son objectif initial : au lieu de financer des compensations aux personnes handicapées, on investit dans un énième dispositif visant à adapter la demande à l'offre en orientant par défaut vers les ressources que l'on souhaite mobiliser !

Or, la problématique de la prise en charge du handicap en France ne saurait se limiter aux seuls 6500 personnes « exilées » en Belgique. Les orientations « forcées de nos adolescents en internat vers des établissements à l'autre bout de la France, faute de place dans des dispositifs de scolarisation en milieu ordinaire sont tout aussi choquantes. Et que pensez des milliers de personnes handicapées, laissées à la charge de leur famille quand les établissements médico-sociaux les trouvent « trop lourdement handicapées » pour les accueillir ?

Les associations représentatives des personnes handicapées ne font que vous rappeler les grands principes de la loi du 11 février 2005, que l'article 21bis viendrait fouler aux pieds.


 

  • réaffirmer le droit à la solidarité nationale et d'égalité de traitement (non-discrimination) par l'égal accès au droit commun ;

  • garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d’existence favorisant une vie autonome et digne ;

  • permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale grâce à l’organisation de la cité autour du principe d’accessibilité généralisée, qu’il s’agisse de l’Ecole, de l’emploi, des transports, du cadre bâti ou encore de la culture et des loisirs ;

  • placer la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent en remplaçant un raisonnement administratif par une logique de service.


Vous posez comme postulat de départ qu'il faudrait mettre en œuvre un rapport alors que c'est la loi qu'il s'agit de mettre en application. C'est d'ailleurs ce qui selon vous justifierait de réformer la loi, revenant ainsi sur les libertés fondamentales des personnes en situation de handicap.
Or, la loi « handicap » ne doit pas servir un rapport, elle donne des droits aux personnes handicapées et des devoirs à l'Etat et à ses services décentralisés.... Pas l'inverse !

Si l'on ne peut qu'adhérer au souhait affiché de tendre vers le fameux « zéro sans solution », il aurait fallu en premier lieu s’enquérir ce qui aujourd'hui, empêche encore les personnes handicapées d'exercer leur pleine citoyenneté. Il aurait fallu prendre en considération les dysfonctionnements du système par rapport à la législation en vigueur afin de les corriger au lieu de chercher à adapter la législation aux dysfonctionnements.

Tel un lapin sorti du chapeau d'un prestidigitateur, vous nous présentez comme une grande avancée « un accord des familles inscrit dans le marbre » pour une orientation « consentie » (et non plus choisie) alors que la législation en vigueur dispose déjà que seules les demandes d'orientations formulées par la personne elle-même peuvent être étudiées.

S'en suit un sophisme qui, méconnaissant la loi du 11 février 2005, voudrait nous faire croire qu'il s'agirait « 
qu'une personne n'ait plus à se contenter de préconisations non suivies d'effet mais puisse avoir la garantie de solutions concrètes.», quand bien même ces solutions concrètes ne répondraient pas à ses aspirations, à ses besoins.

Pourtant, il vous incombe, à minima, de savoir que les décisions de la MDPH ouvrent droit à compensation des conséquences du handicap (droit opposable) et que les notifications d'orientation s'imposent aux établissements chargés d'accueillir les personnes handicapées ; il ne s'agit absolument pas de « préconisations » et si ses décisions ne sont pas suivie d'effet, c'est que l'état n'y met pas les moyens. Ce n'est ni plus ni moins ce que vous expliquait la jurisprudence Amélie Loquet : dés lors qu'une notification de décision de la MDPH ouvre droit à compensation, il est de la responsabilité de l'Etat de mettre en œuvre toutes les mesures financières et humaines nécessaires.

Alors effectivement, quoi de mieux pour tenter d'éviter les condamnations que de diluer à dose homéopathique les responsabilités après du plus grand nombre ?
Nonobstant une fois de plus la législation en vigueur qui donne capacité d'ouvrir des droits (opposable) aux MDPH - gérées par un groupement d'intérêt public pour que le décideur ne soit pas le payeur - vous dispatcher les compétences : tout les acteurs ont droit au chapitre pour que in-finé, personne ne fasse rien et surtout, que personne ne soit responsable de rien, si ce n'est peut-être l'usager qui n'aurait pas consenti.


L'empilage de dispositifs, de plans « zéro sans solution », « cas critiques » « groupes opérationnels d'on ne sait plus quoi » « plan d'accompagnement global » … ne sont en réalité qu'un rideau de fumée pour dissimuler les vraies problématiques. Cet obscurantisme administratif, digne des douze travaux d'Astérix permettrait ainsi d'adapter la demande à l'offre. En d’autres termes, il ne s’agirait plus d'apporter des réponses adaptées aux parcours de personnes mais de remplir les institutions en fonction des places disponibles, des moyens que l'on souhaiterait mobiliser.

Comble de l'ignominie, vous nous confirmer que l'on aurait toujours possibilité de saisir la justice ! A croire que les personnes handicapées saisiraient la MDPH pour obtenir le droit d'aller en justice afin que celle-ci leur donne le droit de faire une demande à la MDPH . Ne pensez-vous pas que la justice à mieux à faire ?

Pour être plus explicite dans nos propos, prenons un exemple au plus près des préoccupations de chacun. Imaginons : vous avez travaillé toute votre vie, cotisé le nombre de trimestres nécessaires et vous allez demander votre retraite. Et là, on vous répond que c'est la crise, qu'on ne peut pas vous payer votre retraite mais qu'à la place, on vous donne très volontiers un sac de patates et un billet de 5 euros …. Bien sûr, vous avez l'impression que l'on se moque de vous et vous estez en justice pour faire valoir votre droit opposable. Imaginons maintenant que quelques biens pensants ai eue idée en amont de faire préciser dans la loi que pour ne pas laisser de retraités « sans solutions » on pourrait leur proposer une double alternative : soit une retraite que l'on ne paye pas, soit un sac de patates et un billet de 5 euros …..

Enfin, la cerise sur le gâteau, c'est quand vous finissez vous-même par vous perdre dans vos élucubrations : et de nous expliquer que si vraiment l'état n'arrive pas à s'acquitter des ses obligations au nom de la solidarité nationale et qu'il mette des personnes handicapées dans une situation critique, nous pourrions toujours faire appel à l'ancien dispositif « cas critiques » qui n'avait pas fonctionné, raison pour laquelle on le remplaçait par un nouveau dispositif ! Bref, à se demander qui sont les « cas critiques » dans cette histoire !

Sauve qui peut ! Il n'y a plus de capitaine dans le navire ! Chacun son canot de sauvetage !




 

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